Andras Beck grava en 1964 pour la collection des Médailles de la Monnaie de Paris cette médaille de Saint-John Perse où l’on trouve déjà le hiératisme de l’expression qui culminera dans le Masque de 1969. Le profil, sculpté à la manière si personnelle de Beck, est conforme aux autres médailles que le sculpteur a réalisées pour la Monnaie de Paris : irrégularité des contours, modelé apparent, tous aspects qui tranchent tant avec les médailles traditionnelles commandées par la Monnaie de Paris.
L’aspect de portrait est néanmoins plus présent que dans le masque bien entendu, la stylisation y étant moins apparente certainement et l’image s’appuyant, on le devine bien, sur la physionomie contemporaine du poète, ce Saint-John Perse sexagénaire qui a reçu quatre ans auparavant le Prix Nobel de Littérature.
Pour sceller une amitié réelle, Andras Beck offrit à Saint-John Perse un bronze (ci-contre, photographié par Lucien Clergue), une « Aile » si compagne de cette « aile du songe » dépeinte par Perse dans Amers notamment.
Aux Vigneaux, Saint-John Perse avait eu le souci de mettre ce présent en valeur.
« Et la grande aile silencieuse qui si longtemps fut telle, à notre poupe, oriente encore dans le songe, oriente encore sur les eaux, nos corps qui se sont tant aimés, nos cœurs qui se sont tant émus… »
Amers, « Strophe », V.
C’est en 1976, soit un an après la mort du poète que dans une sorte d’hommage, Andras Beck renoua avec l’univers poétique de Saint-John Perse. Chose très rare dans l’œuvre du sculpteur, Beck a choisi pour ce salut intime, d’illustrer un poème de Perse qui lui tenait particulièrement à cœur, à savoir le chant II d’Eloges, focalisé autour de la relation étroite de l’enfant avec son cheval. L’œuvre emprunte d’ailleurs son titre au début du poème : J’ai aimé un cheval.
« J’ai aimé un cheval – qui était-ce ? – il m’a bien regardé de face, sous ses mèches.
Les trous vivants de ses narines étaient deux choses belles à voir – avec ce trou vivant qui gonfle au-dessus de chaque œil.
Quand il avait couru, il suait : c’est briller ! – et j’ai pressé des lunes à ses flancs sous mes genoux d’enfant…
J’ai aimé un cheval – qui était-ce ? – et parfois (car une bête sait mieux quelles forces nous vantent)
il levait à ses dieux une tête d’airain : soufflante, sillonnée d’un pétiole de veines. »