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Au fond, cette ferveur elle-même relevait d'un élan qu'on pourrait qualifier de "chimiquement pur" chez Pierre Guerre, surtout par rapport aux autres premiers commentateurs, davantage engagés dans les positionnements intellectuels et le goût héroïque, quitte à être à contre-courant de leur époque, d'ouvrir la voie à une intelligente défense et illustration de leur poète favori. Chez Pierre Guerre, être à même de restituer l'humanisme de Saint-John Perse, et toute l'action qu'il sut déployer en faveur de sa diffusion, tout cela donc, représenta comme la voie d'accomplissement d'un engouement qui prenait sa source dans l'adolescence, et qu'il relata si bien à maintes reprises, comme pour en conserver la saveur secrète, la pureté de l'élan premier - et particulièrement, dans un article des Cahiers du Sud de mars 1954, "Le carnet de moleskine". Il faut avoir lu ce récit si attachant de la découverte émerveillée des écrits de Saint-John Perse par un lycéen curieux de poésie, partageant avec ses camarades de classe une sorte de dévotion pour ces mots si nouveaux et si envoûtants d'Eloges, bouleversant jusqu'à la notion même qu'ils avaient jusque là de la poésie, pour comprendre la nature effectivement "pure" (et l'on peut revendiquer sans crainte le qualificatif) de cette ferveur, que complétera plus tard l'ambition de la propager. Ce n'est donc pas un hasard si, dans ce même compte-rendu de l'Hommage des Cahiers de la Pléiade, il témoigne encore de sa fidélité à ce moment inaugural, manière aussi de déjouer la tentation d'élitisme qui tôt se fit jour parmi les cercles des amateurs de l'œuvre :

Le pari, certainement le plus enthousiasmant entre tous pour les études persiennes, sera de renouer avec cette clairvoyance, cette ferveur et ce goût de l'essentiel qu'avait su en son temps incarner Pierre Guerre, déjouant tous les pièges des fausses transparences, ayant tôt placé la Fondation qu'il avait créée avec Saint-John Perse, dans l'idéal court-circuitage de toutes les facilités :


"La Fondation se gardera de l'exégétisme, des exercices de chapelle, du byzantinisme des scoliastes. Elle n'aura pas de complaisance envers toute cette bruine de littérature. Pour Saint-John Perse la poésie était un objet de vie, la louange de la vie, la célabration de la vie qui pour lui n'avait pas de terme, dans le grand cours de l'espace et du temps." (Pierre Guerre, "La Fondation Saint-John Perse", Le Magazine littéraire, novembre 1975).


Ci-contre : un très court document vidéo, muet. Le vernissage de l'exposition inaugurale de la Fondation Saint-John Perse, transportée à Paris entre novembre 1976 et janvier 1977, au Musée Jacquemart-André, en guise d'Hommage national à Saint-John Perse, plus d'un an après sa dispatition. On y voit Pierre Guerre en maître de cérémonie, aux côtés du Président Giscard d'Estaing et de sa Secrétaire d'Etat aux Affaires culturelles, Françoise Giroud.


  

            « J'aurais voulu qu'à côté des signatures célèbres et des déclarations magistrales, il ait été réservé une toute petite page à quelque anonyme ou presque. Pour qu'on ne puisse croire, le cas échéant, que - non plus aujourd'hui - mais qu'en 1925 même, Saint-John Perse était le poète confidentiel de ses tirages limités, le plaisir en quelque sorte des dilettantes ou des heureux qui avaient eu la chance d'en posséder un exemplaire. J'aurais voulu que Saint-John Perse sache qu'il a marqué de son empreinte extraordinaire nombre d'adolescents en France dans le temps même où il publiait ses premiers ouvrages. Les beaux souvenirs aussi qu'il a laissés à pas mal de potaches d'alors. Qu'il sache que dans les lycées, nous avons copié ses poèmes entre deux versions latines ou entre deux devoirs de géographie. Comment le texte était venu jusqu'à nous, nul ne le saura jamais. Entre deux cours, nous nous passions les précieux exemplaires calligraphiés. Nous en faisions des copies de copies. Et d'autres encore, à mesure que de nouveaux camarades paraissaient dignes de participer à ce régal, capables du rite. "Baudelaire, bien sûr, Mallarmé, mais Saint-Leger Leger..." J'ai connu des exemplaires touchants, encore conservés peut-être dans nos bibliothèques d'hommes, à présent à côté des éditions originales. Simples cahiers de quelques sous, d'une écriture appliquée, aux encres de diverses couleurs :


            Ma bonne était métisse et sentait le ricin...


            Petits carnets de moleskine noire, que l'on pouvait emporter en vacances, lire en cachette presque :


            Nos mères vont descendre, parfumées avec l'herbe-à-Madame-Lalie...


            J'ai manié un exemplaire superbe, oeuvre patiente d'un camarade étonnant, tout en onciale sur du vrai parchemin qu'il s'était procuré je ne sais où.


            Palmes...!

            Alors on te baignait dans l'eau-de-feuilles-vertes...


            Je ne peux lire ces premières lignes d'Eloges sans voir la grande initiale verte, sans toucher la raide peau ivoire et sans retrouver encore l'odeur d'encre et de chaux de la classe au printemps... Chaque mot du texte agrandissait notre champ, nous menait ailleurs et nous découvrait une langue si belle et si vaste que nous étions dans une sorte d'éblouissement, de délire et de ferveur que nous ne sommes pas prêts d'oublier.


            Peut-être à cause de tout cela, j'avoue que ce n'est pas sans un serrement de coeur que je lis, dans les Cahiers de la Pléiade, sous la plume de Stephen Spender, qu'Anabase est un des poèmes qui a eu la plus grande influence sur la poésie anglaise moderne, ou sous celle de Denis de Rougemont, qu'il ouvre les voies d'un grand lyrisme américain. Mais non. Acceptons comme un honneur, de ce grand poète qui porte en nous le plus pur de notre race, cette vaste audience, par le monde. Comme écrit Archibald MacLeish, "où donc, parmi les vivants - en quel pays et en quelle langue - peut se trouver poète égal à ce poète ?" »

Il était donc normal que ce rôle revînt à celui qui n'avait eu de cesse de favoriser l'essor de la diffusion de l'oeuvre de Perse, avant qu'une mort brutale ne l'emporte en 1978, en pleine activité. Si donc l'héritage culturel laissé derrière lui par ce passionné si éclectique des arts, et dont le Musée de la Charité de Marseille mesure encore la chance exceptionnelle du don des collections privées, c'est incontestablement un double héritage que doivent les persiens à Pierre Guerre : à la fois tribut critique et héritage moral, dont la Fondation aixoise qui porte le nom du poète demeure l'accomplissement le plus tangible. Et avant toute chose, trait d'union indéniable de tous ces premiers persiens, mais dont Pierre Guerre avait su représenter par son action même comme une quintessence : la ferveur, la passion, l'ardeur admirative toujours intacte et intense d'un lien comme consubstantiel à cette oeuvre poétique - comme il ironise lui-même dans un compte-rendu des Cahiers du Sud au sujet de l'Hommage des Cahiers de la Pléiade en 1950 :


"Jean Paulhan à qui revient l'honneur de ce très beau numéro spécial, sait que l'admiration que l'on porte à Saint-John Perse finit par devenir un vice, de ceux dont Valery Larbaud nous garantit l'impunité." (Les Cahiers du Sud, N° 304, 2e sem., 1950 - reproduit dans Portrait de Saint-John Perse, p. 73).


  

Mais il faut croire qu'aux yeux de ce Marseillais avocat de profession, homme de culture, bibliophile et grand collectionneur d'art africain et japonais, la mission de diffusion ne pouvait s'arrêter au tamis de la critique : il fallait encore que la passion fût complétée et comme parachevée du geste de l'organisateur et de l'animateur hors pair qui s'était déjà distingué dans bien d'autres initiatives, lui qui fut entre autres l'un des fondateurs actifs des Cahiers du Sud avec Jean Ballard. Ayant lié une solide relation de confiance avec Alexis Leger dans les années de sa vie provençale, Pierre Guerre était tout trouvé pour que naquit sous son efficace autorité la Fondation Saint-John Perse, en 1976, soit un an après la mort du poète qui avait de son vivant, pris les dispositions nécessaires à une donation de ses archives à la ville d'Aix-en-Provence et avait confié à son ami les destinées de cette institution chargée de perpétuer la mémoire de son oeuvre et d'encourager son étude.

La nouvelle édition de l'ouvrage (L'Harmattan, "Les Publications de La nouvelle anabase, avril 2011).

Portrait du persien en honnête homme


Parmi la prestigieuse pléiade des persiens de la première heure, ces quelques "héroïques" fidèles d'entre les fidèles, Pierre Guerre fait figure d'une singularité résolue, un peu en marge de la vie littéraire et critique traditionnelle, et relevant dans son lien à Saint-John Perse, autant d'une passion intégrale pour l'oeuvre du poète que d'une amitié fervente pour l'homme, rencontré aux Vigneaux en 1958. Editeur en 1989 de Portrait de Saint-John Perse (qui regroupe aussi bien l'essai publié par Pierre Guerre, Saint-John Perse et l'homme, les divers articles critiques "persiens" de l'auteur, sa correspondance avec Perse, que les Esquisses pour un portrait - regroupement des notes préparatoires d'une biographie du poète, demeurée inachevée), Roger Little use à son endroit du qualificatif révélateur de "compagnon émérite". Et c'est en effet de cet ordre, d'une fidélité humaine aussi bien qu'intellectuelle où le "compagnonnage" critique auquel aspirait le jeune Leger déjà, se mêlait à l'exigence de l'analyse, que fut pétrie la relation de Pierre Guerre à Saint-John Perse. Compagnon humain donc, mais on pourrait tout aussi bien filer l'image au sens de "compagnon du devoir" pour ainsi dire, car après la monographie d'Alain Bosquet en 1953, après Poétique de Saint-John Perse de Roger Caillois en 1954, la publication par Pierre Guerre en 1955 chez Gallimard de son Saint-John Perse et l'homme relève la gageure d'une troisième salve par laquelle, vraiment, la critique persienne connaît alors des assises d'une hauteur considérable. Dans la complémentarité de ces premières approches de l'oeuvre (les repères génériques pour Bosquet, le langage poétique pour Caillois), l'apport inestimable du regard de Pierre Guerre fut de souligner et d'explorer la portée humaniste de la poésie de Saint-John Perse, en examinant au plus près du texte le puissant dispositif éthique dont relève la vision de l'humain qui s'y déploie en autant de pôles agissant au sein des thématiques suscitées.











  

EXÉGÈSES - Pierre Guerre, le visionnaire

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© 2014 Saint-John Perse, le poète aux masques (Sjperse.org / La nouvelle anabase). Site conçu, écrit et réalisé par Loïc Céry.

  

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Ci-contre, une photo de l'inauguration de la Fondation Saint-John Perse le 19 juin 1976. De gauche à droite : Dorothée Leger, Pierre Guerre, le Sénateur-maire d'Aix-en-Provence Félix Ciccolini et le Ministre de la Culture Michel Guy

© Henry Ely. Souffle de Perse N° 1, janvier 1991.

Visionnaire de la transmission


Le dessein de la diffusion est donc clair dans l'intention et dans l'action suscitée par Pierre Guerre et soyons attentif à la date de l'écriture de ces lignes : on est au lendemain de la publication des Œuvres complètes de la Pléiade. Cela signifie donc qu'il n'y a là aucune confusion entre le désir d'une diffusion active, exigente et raisonnée et une éventuelle suspicion portée à l'encontre de l'entreprise iconoclaste de cette édition de la Pléiade. A près de quarante ans de distance, la clairvoyance même de cette prise en compte de la nature propre des Œuvres complètes a quelque chose, je crois, de profondément visionnaire, à l'encontre des crises ultétrieures du sens de cet héritage-là, qu'on a vite pris pour un mausolée potentiel et intimidant, confondant, moyennant sans doute quelque précipitation ou quelque complaisance, l'accès et le fruit de l'accès. Il est donc en effet plus que revigorant de relire ces mots essentiels de Pierre Guerre qui en 1973, dans le même temps où il se félicite de l'accroissement du lectorat de Saint-John Perse, distingue l'ineffable trésor de ce volume testamentaire dans la lettre et dans l'esprit, livrant cette poésie tout autant que le protocole de sa découverte en une voie irremplaçable. Relire ceci par conséquent est non seulement stimulant, mais comme salubre : c'est bien la meilleure façon de déjouer bien des pièges et des illusions ultérieures. Dans ce même article de Critique donc, voici donc ce qu'écrit Pierre Guerre en 1973, à propos de ce volume de la Pléiade qui faisait peur même à Alain Bosquet, commentateur de la première heure :


« [...] ce que nous désirons dans cet article, ce n'est pas souligner la grandeur ou la valeur de l'oeuvre de Saint-John Perse, encore moins de l'analyser, come on l'a déjà trop fait à propos de l'ouvrage, mais c'est considérer le cheminement de cette oeuvre, cette sorte d'aboutissement de plénitude où elle se trouve aujourd'hui, et en définitive la place et l'importance du livre lui-même en tant qu'édition.

Sans soute, en 1925, étions-nous en situation idéale, dans notre ignorance absolue ou presque, pour ressentir, de l'oeuvre du poète, le "très grand luxe d'une enfance, chez l'adulte, à jamais irrévolue". Mais depuis, tant d'exégèses, de littérature critique, historique ou anecdotique, tant de légendes et de mythes ojnt été déversés avec profusion sur la poésie et la personnalité de Saint-John Perse ! On serait peut-être heureux de faire "table rase de tout ce qui a pu être écrit ou accrédité" sur lui.

Précisément, le voici qui apparaît comme il veut apparaître : dans l'abrégé biographique, dans les notes soigneusement contrôlées par lui, dans les textes critiques et les témoignages, dans les lettres de jeunesse, d'Asie, d'exil, soigneusement sélectionnées. Il apparaît ainsi à sa manière, discret et altier, par étapes, par instants, sans être jamais tout entier là, mais cependant jamais dissimulé, insolite mais naturel, secret peut-être mais jamais contraire à la vérité, à l'expérience. [...]

C'est le livre de cet homme que nous avons entre les mains, précieusement relié de grenat. Non pas un livre offrant le monument froid de son éternité à un poète, Racine ou Baudelaire. Mais compagnon de tout homme qui vit et qui aime, et livre lui-même d'un homme qui vit. [...]

Avec les Œuvres complètes se résout, dans une évidence immédiate, le phénomène de dédoublement de la personnalité qui a tant intrigué les scoliastes de Saint-John Perse. Il n'y a pas, il n'y avait pas l'homme public et le poète caché. Il y a un homme qui, dans toute sa personnalité et de toute sa personnalité, a vécu de poésie, a pris règle naturelle de poésie, continue d'en vivre dans sa lumière provençale, et en fait vivre les autres.

Heureux celui qui peut manipuler et considérer cet ouvrage, entre tous attendu, comme objet matériel et comme objet mental, désormais inséparable de lui-même. Non pas un bibelot à mettre sur la cheminée, mais une chose dont la poésie est aliment, et rien moins qu'ornement. Un livre que l'on népuise pas, qui donne sans cesse à voir, et dont, grâce à la poésie, l'on n'épuise jamais la ferveur, la louange, l'inaccoutumance sous une sorte d'insolence de la vie. Le Livre de l'alliance de l'homme avec ce qui l'entoure. "Une assistance à vivre et à connaître, au plus ardent de l'être", dit de la poésie le poète dans son texte sur Fargue, et ce pourrait définir l'ouvrage épais et lumineux que nous avons entre les mains.

Edition critique ? Mieux : établie par Saint-John Perse lui-même. Mais pas de corrections de textes, de variantes ni d'autres versions. Le poète n'a pas d'intimité. Le poème se présente tout de netteté, comme un grand morceau de jade poli. Pas de préface. Qui oserait ? Et qui le pourrait, sans peur d'enlever à cette édition ce je ne sais quoi d'exceptionnel qui en fait mieux qu'un livre ? L'édition de poche avait réglé la question de l'accès à la poésie de Saint-John Perse, et fait disparaître sa renommée d'auteur rare. L'édition actuelle reconstitue l'enthousiasme que l'on pouvait avoir en la découvrant. Mais aussi elle élargit singulièrement sa portée, et son audience. Elle donne une indicible valeur humaine à tous ces textes, versets poétiques, biographie, lettres, notes, également répartis en quatorze cent pages de papier bible. Plus besoin à présent de commentaires sur cette poésie. Tout y ressort, s'ordonne et se répond de page en page, de simple mot ici à tel autre mot ailleurs. [...]

Nous avons dit la réussite actuelle de ces Œuvres complètes. Mais, par avance, le poète rétorquait en 1960 dans une interview : "Il ne faut pas substituer l'action littéraire à la création poétique. Quelle importance a le succès littéraire, entre la naissance et le tombeau ? L'essentiel, c'est comment on a mené son oeuvre. J'ai répondu un jour à la question : "Pourquoi écrivez-vous ?" par ces mots : "pour mieux vivre, et plus loin !".

Saint-John Perse n'est donc pas figé dans ce livre, quel que soit son titre. Il continue son oeuvre, bien heureusement. Ce ne sont pas ses Œuvres complètes que nous tenons en mains. Nous entendons vivre avec lui, "plus loin". »

C'est aussi, sans doute, ce trait même qui fait le départ entre le vrai homme de culture, l' "honnête homme" au sens des Lumières, et le simple amateur cultivé certes mais thésaurisant les trésors des oeuvres de l'esprit comme quelque butin destiné à demeurer dans les mains élues de quelques happy few : sans verser dans les mirages trompeurs d'un démocratisme égalitaire de mauvais loi et nivellant jusqu'à la démagogie, Pierre Guerre appartient incontestablement à cette race des Jean Vilar, des André Malraux, pour qui la jouissance des trésors de la culture allait de pair avec leur diffusion raisonnée. C'est un peu cela que préfiguraient les "copies de copies" des poèmes si précieux, au sein de ce cercle des jeunes esthètes de son adolescence. On peut aisément imaginer, dès lors, l'enthousiasme qui fut le sien quand, en 1976, il présida (pour peu de temps hélas, avant sa disparition prématurée) au devenir de la toute nouvelle Fondation Saint-John Perse. Agrandir le cercle sera dans une certaine mesure la tâche constitutive de l'institution : "La rencontre des jeunes hommes d'aujourd'hui et du poète sera ardente et haute dans l'éloge des êtres et des choses, et dans le dépassement", écrit-il dans le Magazine littéraire en novembre 1975. Et au fond, il s'agit bien dans l'esprit de cet ardent propagateur de culture au sens le plus exigeant du terme, de rallier à cette oeuvre poétique de nouveaux publics, et de l'extraire le plus que possible de cette sphère élitiste à laquelle, sans ces efforts-là et bien d'autres, elle semblait vouée comme par une fatale aimantation :


"Ainsi Saint-John Perse est passé de la petite troupe d'initiés de la NRF, autour de Gide et de Larbaud, et de ses quelques lecteurs isolés, jaloux de ses poèmes comme des possesseurs de trésors, à un large public de jeunes gens, d'étudiants, qui le peuvent acheter pour quelques francs, et maintenant toutes sortes de gens, de toutes formations intellectuelles et de toutes valeurs, découvrent que sa poésie n'est pas rhétorique ou exercice de style, réputée comme celle de Mallarmé pour sa rareté et pour son obscurité, mais bien l'exaltation d'une alliance de l'homme vrai avec les choses vraies." (Pierre Guerre, "Vivre plus loin avec Saint-John Perse", Critique N° 312, mai 1973, cité dans Portrait de Saint-John Perse)






  

La première édition par R. Little de Portrait de Saint-John Perse de Pierre Guerre (Sud, 1989).