« Pour tous les écrivains de ma génération, votre œuvre a incarné la poésie dans ce qu'elle semble porter en elle d'invulnérable. »
André Malraux
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Saint-John Perse, ou la poésie
« pour mieux vivre »
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PARCOURS DE L'ŒUVRE - Les chants d'une « œuvre œuvrée » : en guise d'itinéraire de lecture
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Du reste, ce recours n'entrave jamais la compréhension globale du sens profond, et si parfois cette poésie ne se livre pas d'elle-même de prime abord, le lecteur attentif aura à cœur de découvrir chemin faisant l'inépuisable subtilité lexicale que renferme cet univers, par le truchement de jeux langagiers dont était friand ce fin gourmet de mots que fut Saint-John Perse.
Même si beaucoup ont voulu l'associer à la veine surréaliste, après qu'André Breton crut voir en lui un "surréaliste à distance", Saint-John Perse n'est en fin de compte réductible à aucun courant littéraire, aucune des nombreuses chapelles qui font la poésie française du XXe siècle - c'est dire que sa position dans le cadre de la modernité poétique est très originale. À l'instar de René Char ou de Jules Supervielle, son œuvre transcende à coup sûr les appartenances étroites, ne se réclamant que de son esthétique propre, cette manière élaborée sous bien des inspirations et à l'écoute de bien des influences, mais débouchant sur une originalité si marquée. Dans l'histoire du poème en prose, Saint-John Perse serait à placer du côté des chercheurs d'un ordre esthétique porteur et cohérent, plutôt que du côté des chantres nombreux de l'anarchie formelle.
Si l'on devait définir la place de Perse au sein de la constante tension entre destruction et construction qui irrigue tant l'histoire de la poésie moderne, ce serait certainement l'idée de la recherche d'une discipline qui aiderait le mieux à cerner son tribut propre, loin de toute tendance archaïsante, mais contre toute visée destructrice.
Couronné en 1960 par l'attribution du Prix Nobel de Littérature, Saint-John Perse dit un jour son attachement à "l'exigence, en art d'une œuvre réelle et pleine, qui ne craigne pas la notion d' "œuvre", et d’œuvre "œuvrée", dans sa totalité [...]" (Discours de Florence, O.C., p. 453 - Ecoutez le début du Discours sur la page biographique du "Grand âge"). C'est peut-être par ce volontaire pléonasme que l'on peut sans doute saisir l'une des caractéristiques essentielles de la poésie de Saint-John Perse, qui peut aussi expliquer sa réputation d'hermétisme.
Cette œuvre si admirée, à la fois minutieuse dans son expression et épique dans le souffle qui l'anime, se veut être avant tout une entité vivante, un tout irréductible où les recueils successifs se répondent les uns les autres, dessinant les contours d'un univers plein et cohérent. Goûter l’œuvre de Perse, c'est donc entrer dans cet univers soigneusement construit, habité par ses rites propres, ses scènes primales, ses fêtes et ses désastres, ses lignes d'évolution.
C'est également se plier, d'Éloges à Chronique, à un style propre, reconnaissable entre tous, hiératique et déclamatoire, menant le lecteur aux confins d'une aventure spirituelle enthousiasmante, mais exigeant de lui une attention soutenue face à la richesse d'une langue où rien n'est laissé au hasard, une langue gouvernée par un continuel souci de précision.
Poésie du lien de l'homme avec le cosmos, poésie dédiée à la plénitude de l'existence, l’œuvre de Saint-John Perse charrie en elle "le monde entier des choses" (Vents, I, 1, O.C., p. 179) en une vaste fresque épique. L'ébranlement des grandes forces primaires du monde, théâtre des destinées humaines et de la marche des civilisations, s'allie parfois à des accents plus intimistes. Si la puissance reste le maître-mot de l’œuvre, la palette des nuances employées par le poète pour sonder l'âme humaine n'en est pas moins subtile.
À la lancinante réputation d'obscurité opposée à sa poésie et plus généralement à la poésie moderne, Saint-John Perse avait coutume d'arguer que la fonction même de la poésie fut toujours d'explorer l'obscurité elle-même, que ce fût celle du monde ou celle de l'existence humaine. Il demeura en revanche farouchement attaché au devoir de clarté de l'expression poétique, face à cette exploration ténébreuse.
C'est dire que la difficulté qui lui est reprochée est surtout due à l'usage fréquent de lexiques spécialisés, choisis non pas par goût d'une érudition gratuite, mais surtout par devoir d'exactitude dans la nomination du monde et de son foisonnement.
Pour commencer, deux DOCUMENTS - 1959 : Saint-John Perse reçoit d'André Malraux
le Grand Prix national des Lettres et définit sa vision de la poésie