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Vents, de tous les souffles                                                              

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© 2014 Saint-John Perse, le poète aux masques (Sjperse.org / La nouvelle anabase). Site conçu, écrit et réalisé par Loïc Céry.

  

Saint-John Perse                     


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De toutes les œuvres au programme, Vents est de loin le poème le plus volumineux, le plus long d’ailleurs après Amers dans l’œuvre de Saint-John Perse. Il n’est pas habituel de rencontrer dans la poésie du XXe siècle, de poème de cette dimension – et il semble du reste, qu’Amers soit le plus long poème de la poésie moderne. Cette spécificité même, qui s’accorde bien avec le propos, et ses développements successifs, rend l’appréhension de l’œuvre délicate, comme il en est de ces vastes fresques difficiles à saisir d’un seul coup d’œil. Pour autant, on est ici en présence d’une organisation très minutieuse, d’une structure riche, mais au fond très claire quand on en apprécie la « logique ».


Tout comme pour « Pluies », premier poème pour lequel on pourrait risquer, à la suite d'autres, le néologisme peu élégant d’ « élémental », avec « Neiges » dans le cycle d’Exil, Vents s’appuie pourrait-on dire, sur un « argument » d’ensemble qui est celui de la venue, du surgissement plus exactement, de ces éléments qui motivent le poème, surgissement qui fait place à l’aventure à la fois physique et spirituelle de leur empire, qui cesse en fin de poème. La notion de récit, de narration, est donc déjà essentielle pour saisir la composition de ces poèmes élémentaux, qui sont toujours organisés en somme selon ce même modèle : « Pluies » s’ouvre sur ce moment où « Le banyan de la pluie prend ses assises sur la Ville », alors que le dernier chant du poème annonce bien « Le banyan de la pluie perd ses assises sur la Ville. » De même, Vents inaugure dès son amorce l’emprise des « très grands vents » dont on suivra la course symbolique durant tout le poème, avant qu’un retrait des éléments ne se fasse sentir dans le dernier quart du texte : « C’étaient hier. Les vents se turent. » (IV, 1) Le maître-mot de ce souffle épique du vent est ici la profusion : une profusion textuelle, inflation du langage qui doit exprimer au plus près l’extrême violence et la démesure des forces mises en jeu ; le poème se veut donc à l’échelle de cette démesure, il en est le « procès-verbal », selon l’évolution de l’écriture qui est prédite au passage. Venant composer ce récit-là, le poème est organisé autour de quatre entités, que l’on a nommé diversement au gré des études. La plus récente d’entre elles, le commentaire de Saint-John Perse sans masque, désigne ces entités sous le vocable précis de « séquences ». Je préfère pour ma part le terme le plus neutre que possible, celui de « parties » me paraissant davantage de cet ordre – c’est donc celui qu’on adoptera ici. Au sein des quatre parties, différents chants interviennent, eux-mêmes composés de laisses et parfois de strophes (unités séparées par le signe typographique de l’étoile). On pourrait rendre compte d’une vision d’ensemble à propos de ces quatre parties, qui sera toutefois précisée au sein du commentaire interne des chants (la pagination de référence est bien sûr celle de l’édition désignée pour le concours, à savoir Poésie / Gallimard) :


Première partie (sept chants, p. 11 à 28) : C’est dans ce premier temps qu’est vécu et longuement médité le surgissement des vents, conçus comme forces brutes balayant tout sur leur passage, et annihilant le confort des « hommes coutumiers ». En déclinant cette révolution qu’entraîne le souffle des vents dans tous les domaines de la vie, le poème prend en quelque sorte la mesure de ce déferlement généralisé. Et d’emblée, le thème essentiel du renouvellement est introduit : l’action du vent est profondément régénératrice, car en balayant de l’horizon les habitudes et les conventions de toutes sortes, il permet l’avènement de forces nouvelles, assainies.


Deuxième partie (six chants, p.31 à 46) : La course de ce renouvellement engendré par les vents dessine sa géographie propre : en Est, le monde connu de la civilisation, risquant l’assoupissement mortifère qui culmine au Sud, et l’Ouest, qui représente l’inconnu, où le voyageur court un autre risque, celui du néant qui menace sa quête. Cette partie met en jeu une tension profonde entre ces pôles, conduisant l’homme devant le choix d’un itinéraire existentiel.

 

Troisième partie (six chants, p. 49 à 62) : Le choix de la quête est affronté, et il est incarné par le vaste mouvement de la conquête et de l’esprit pionnier, chantés et magnifiés comme témoignages des ressources de dépassement des hommes qui épousent cette constante poussée signifiée par les vents. Grandeur mais aussi misères de cette destinée-là, qui peut se muer en surenchère si une mesure ne lui est pas accordée.


Quatrième partie (sept chants, p. 65 à 83) : Même si le risque de la néantisation a été énoncé, le poème poursuit l’en-avant, comme déporté par une force irrésistible et décentré de toute maîtrise. La route est poursuivie, par-delà les mers, jusqu’au moment fatidique où ce mouvement vers l’Ouest est interrompu, et le retour est amorcé vers les terres habitées. Mais ce retour bénéficie du renouvellement des forces, qui rend à leur puissance originelle les forces primales de la vie.