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Pour fêter un poète - HOMMAGE À SAINT-JOHN PERSE

Université Paris IV-Sorbonne, 25 septembre 2004

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Introduction à l'entretien (25 sept. 2004)

  

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PERSE ET LES ÉCRIVAINS -  Patrick Chamoiseau, Saint-John Perse au cœur

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Entretien avec Patrick Chamoiseau

(La nouvelle anabase / ATV, septembre 2004)

« Il comprit alors qu’il était en face de l’ennemie intraitable. En face de la vieillesse. Une nouvelle guerre dans laquelle il lui fallait tomber. A l’orée de cette bataille (il en prenait conscience avec une lente surprise) il appela la poésie. Il y chercha des armes et des soutiens. C’est sans doute à cette «époque qu’il se mit à relire Saint-John Perse. Il avait rencontré le poème où Perse murmure : Grand âge, nous voici – et nos pas d’homme vers l’issue. C’est assez d’engranger, il est temps d’éventer et d’honorer notre aire. Grand âge, nous voici. Prenez mesure du cœur d’homme. Il avait aimé cette attitude sereine. Hautaine. Royale face à la mort elle-même. Perse l’avait eue envers tous les êtres du monde, mais qu’il la garde face à la mort le rendit mieux humain. Sans doute plus proche de lui. Cette hauteur conquérante, il l’avait érigée face à la vie elle-même, à sa vieillesse et à sa mort. Il avait gardé la posture jusqu’au bout. Un exercice d’élévation dans la condition d’homme… Pour la première fois de sa vie, le vieux M. Balthazar Bodule-Jules se dit que Saint-John Perse avait été un homme. Un homme d’abord, tout simplement. Un homme en débattre dans sa pauvre condition. Il relut autrement les poèmes en éloignant ses vieilles raideurs rebelles. Ils habillèrent son existence de leurs lumières particulières. Son âge, et son curieux désordre mental, lui permettait d’accéder à une divination plus intense que celle qu’il avait connue en compagnie de Sarah-Anaïs-Alicia. La poésie de Perse devenait un extrême du vivant. Un éclat d’homme en vie. Peu importaient les faiblesses de cet homme, ses manques ou ses absences, ses pauvres croyances dressées dans le confort d’une époque aliénante. Chercher l’homme, deviner ce qu’il tentait de faire de ce désordre tragique. La poésie se mit à le nourrir ainsi, contempler les forces contraires, et supporter cette vue jusqu’à la trouver belle. Cette beauté ne résonnait plus en dehors de lui-même, comme un objet net et lisse, d’admiration savante. Elle plongeait chaotique, direct dans sa chair, nourrissait l’atmosphère tourmentée de la case et du jardin autour de lui. »


  

On comprend donc à quel point la présence littéraire de Perse dans la création de Patrick Chamoiseau peut être fervente, et on ne s’étonnera pas d’y déceler une faculté infiniment inventive et ô combien magistrale d’intégrer la trace du texte dans la trame de ses œuvres et ce, au-delà même de cette réappropriation du poète dans le concert créole que marqua l’Eloge de la créolité en 1989. Toujours en 1997, il publie un récit plus proche de la nouvelle que du roman, L’esclave vieil homme et le molosse, dans lequel les évocations d’Eloges sont marquantes. Mais en 2002, Chamoiseau réserve une place encore plus ample à Perse, dans le très dense roman Biblique des derniers gestes : la lecture de son œuvre y est l’un des enjeux du récit, une controverse entre les personnages avant que de se résoudre dans l’une des plus belles pages qui aient été consacrées à Perse dans la littérature.

  

À l'occasion de l'hommage à Perse du 25 septembre 2004, un entretien exclusif avait été réalisé, en co-production par La nouvelle anabase et ATV. Vous pouvez consulter ici l'intégralité de cet entretien avec Patrick Chamoiseau mené par Arlette Pacquit et préparé avec la collaboration de Loïc Céry : Bibliothèque Schoelcher, à Fort-de-France, septembre 2004.     Avec tous mes remerciements à Arlette Pacquit

Lien : étude du rapport intertextuel de Chamoiseau à Perse - Loïc Céry, "Réinventer la trace : Perse selon Chamoiseau, ou l'indéchiffrable éclat d'une longue intuition"

C’est avec Patrick Chamoiseau que l’on atteint sans doute l’exemple le plus accompli à ce jour du réinvestissement de la mémoire du texte de Perse au sein d’une œuvre littéraire. Le rôle de Saint-John Perse dans les références de l’écrivain ont été si bien retracées et synthétisées dans l’essai qu’il publia en 1997, Ecrire en pays dominé, qu’on ne saurait trop recommander sa lecture pour qui veut (entre autres choses) connaître ces repères-là. On trouve dans ce récit passionné d’une trajectoire littéraire et humaine la présence constante de la poésie de Perse dans l’horizon des maturations et méditations du « marqueur de paroles ». J'avais eu l'occasion d'étudier ces liens intertextuels subtils tissés par Chamoiseau dans son oeuvre, avec la poésie de Perse. Je propose ici cet article en version pdf, tout en précisant qu'il sera bientôt augmenté dans une livraison à venir de La nouvelle anabase.