Introduction à la table ronde Musique, avec Christine Januel / Entretiens avec Arlette Durey et Florentine Mulsant
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PERSE ET LES ARTS - Saint-John Perse et la musique
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Après le débat, avait été diffusé un entretien exceptionnel de Jean Guillou avec Pierre Brunel, enregistré pour la journée, à l’Eglise Saint-Eustache au début du mois de septembre, à propos de l’œuvre que Guillou a composée dans l’inspiration d’Eloges de Saint-John Perse. Une rencontre inoubliable entre deux « passeurs » de culture, pour qui toute célébration doit rimer avec l’impératif de transmission qui fut à l’origine de cette journée d’hommage à Saint-John Perse. Au cours de l’entretien, Jean Guillou interprète des extraits de son œuvre, diffusée par ailleurs dans son intégralité. Retrouvez ici l'intégralité de cet entretien exceptionnel, filmé à l'Eglise Saint-Eustache à Paris.
Florentine Mulsant, compositeur, a été formée auprès de grands maîtres français au CNSMP et auprès d’Allain Gaussin à la Schola Cantorum de Paris où elle obtient en 1987 son Premier Prix de Composition à l’unanimité du jury. Elle suit également en Italie l’enseignement de Franco Donatoni à l’Academia Chigiana à Sienne, et à Paris celui d’Alain Bancquart, avant de découvrir à Boston l’Ecole américaine, auprès des compositeurs de Harvard et du New England Conservatory. Chargée d’enseigner l’écriture musicale dès 1991à l’Université de Paris IV-Sorbonne, elle est depuis 1998 professeur de composition au Conservatoire de Suresnes. En 1998, elle remporte le troisième Prix de composition au Concours International Premio Città di Pescara. Ses œuvres sont jouées dans des festivals internationaux de musique en France et à l’Etranger, en Allemagne, Belgique, Hollande et aux Etats-Unis. Plusieurs grands interprètes créent ses œuvres ou en sont les commanditaires (le violoncelliste Henri Demarquette, la pianiste Lise de la Salle.) Récemment, son quatuor à cordes, commande d’Alla-Breve pour France-Musiques, a été diffusé sur les ondes en janvier 2004. Le poème Amers de Saint-John Perse lui inspire dès 1984 une pièce musicale pour piano intitulée Amers ; l’œuvre est créée à Paris en mai 2000. Florentine Mulsant l’a conçue comme un poème pianistique écrit après une lecture de Perse.
Depuis 1916, où deux compositeurs du « Groupe des Six », Darius Milhaud et Louis Durey mirent en musique des poèmes d’Eloges, l’œuvre poétique de Perse n’a cessé jusqu’à nos jours de stimuler l’imagination des compositeurs : on recense plus d’une soixantaine d’œuvres musicales s’inspirant des cycles poétiques. Des pièces vocales chantées a capella jusqu’aux monumentales fresques orchestrales, des musiques faisant appel aux voix des récitants aux mélodies, des partitions nécessitant un dispositif électronique jusqu’aux musiques néo-expressionnistes, bien des genres sont représentés.
Trois œuvres de ce corpus seront présentées au cours de cette rencontre poétique et musicale – coordonnée par Christine Januel, membre du CRLM (Centre de Recherche « Langages musicaux » de Paris IV-Sorbonne). Christine Januel a brillamment supervisé le premier dossier thématique de La nouvelle anabase N° 1, « Saint-John Perse et ses compositeurs » (elle a établi pour le site une synthèse consacrée à "La jeunesse musicale d'Alexis Leger"). Nous avions choisi en somme de faire état de la création musicale contemporaine de Perse (avec l’une des œuvres les moins connues du corpus, celle de Louis Durey) et de celle de notre temps, dans son rapport à l’inspiration que peut susciter son univers poétique.
Arlette Durey, fille du compositeur Louis Durey (1888-1979), l’un des six musiciens du célèbre « Groupe des Six », au sein duquel Durey apparaît comme un indépendant. Il s’éloigne assez tôt de la vie parisienne et mondaine et se retire en Méditerranée, pour partager son temps entre Paris et Saint-Tropez, où il compose la majeure partie de son œuvre musicale. Passionné de poésie et très attaché au genre vocal, Durey consacre à la voix plus de 25 numéros d’opus. On lui doit près de 140 mélodies, s’inspirant de poètes divers. Parmi eux : Verlaine, Mallarmé, Cocteau, Apollinaire, Louis Emié, Valéry et Saintléger Léger, futur Saint-John Perse. Louis Durey est avec Darius Milhaud, l’un des premiers compositeurs à mettre en musique des poèmes de Saint-John Perse : Eloges en 1916-1917, d’après trois poèmes du recueil, pour quatuor vocal et orchestre de chambre, Images à Crusoé en 1918 pour voix moyenne, soliste, et orchestre de chambre (la seconde version confie le poème au chant et au piano) Fait assez rare dans le monde musical, Louis Durey nous livre sa pensée de compositeur dans son Catalogue commenté (1957) et les Considérations sur ma musique vocale (1964) ainsi que dans ses notes personnelles – ouvrages inédits à ce jour.
Peu d’écrivains au cours du XXe siècle auront témoigné avec autant de constance que Saint-John Perse de leur attachement à cet art de l’ineffable « au pouvoir prodigieux », la musique. Si Alexis Leger a souvent rappelé sa vocation première mais contrariée, celle d’ « être compositeur », il semble bien que la musique elle-même l’ait réellement visité et accompagné dans ses écrits comme dans sa vie d’homme. Mélomane, jeune critique musical à Pau, amateur de partitions, fidèle auditeur et organisateur de concerts, ami de musiciens de renom, tels Stravinsky, Satie, Debussy, Milhaud et Varèse ou de grands maîtres et interprètes, tels Nadia Boulanger et Doda Conrad, Saint-John Perse connut la vie musicale de son temps. Quoique protecteur infiniment jaloux de ses propres poèmes, il ne put empêcher que les compositeurs fascinés et comme aimantés par son univers poétique en proposent continûment au cours de son siècle et dès la parution de ses premiers poèmes, des interprétations ou re-créations musicales originales.