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Katherine Biddle (1890-1984) fut également un appui de poids (ici photographiée de profil, en compagnie de son époux Francis, de Leger et de son épouse Dorothy en 1960, aux Vigneaux). Il serait difficile de retracer toutes les implications de la solide amitié qui lia Perse aux Biddle tout au long de ses années américaines : il s’agit là d’un lien très fort qui unit le poète à cette femme de lettres et à son mari Francis qui fut ministre de la justice de Roosevelt. Outre son indéfectible soutien à Leger, Katherine témoigna à propos du projet d’attribution du Nobel, d’une ardeur continue puisqu’elle intervint auprès de nombreux écrivains célèbres et en vue auprès de l’Académie suédoise, pour que le nom de Perse soit constamment présent lors des années cinquante, dans ses préoccupations (de concert avec Mina Curtiss et Archibald MacLeisch).
C’est toute cette ardeur que l’on peut retrouver dans la correspondance de Perse avec Katherine Biddle, éditée par Carol Rigolot dans Saint-John Perse et ses amis américains. Courrier d’exil, Cahiers Saint-John Perse N° 15.
La correspondance entre Saint-John Perse et Henri Hoppenot a été éditée par Marie France Mousli en 2009, au sein du N° 19 des Cahiers Saint-John Perse : Saint-John Perse. Correspondance avec Henri Hoppenot, Paris, Gallimard, "Les Cahiers de la NRF", 2009.
L'efficace chef d'orchestre de toute cette campagne entreprise pour le Nobel de Perse : Henri Hoppenot (1891-1977), vielle connaissance de Leger depuis l'époque du Quai d'Orsay, célèbre figure de la diplomatie française de l'entre-deux-guerres, déclenchera le processus de cette campagne internationale. Moyennant son influence en tant que chef de la délégation française à l'ONU à partir de 1952, Hoppenot oeuvre de tout son poids dans les tractations qui permettent de mettre en avant le nom de Saint-John Perse auprès du jury Nobel. C'est aussi ce qui ressort du passionnant volume de correspondance avec Leger récemment édité.
On retrouvera la correspondance d’Archibald MacLeisch et de Perse dans le N° 15 des Cahiers Saint-John Perse édité en 2001 par Carol Rigolot (Saint-John Perse et ses amis américains. Courrier d’exil).
La correspondance entre Saint-John Perse et Mina Curtiss a été éditée par Mireille Sacotte en 2003, au sein du N° 16 des Cahiers Saint-John Perse : Saint-John Perse. Lettres à une dame d’Amérique, Mina Curtiss.
La correspondance de Dag Hammarksjöld avec Saint-John Perse a été publiée par Marie-Noëlle Little dans la onzième livraison des Cahiers Saint-John Perse, en 1993.
"Actualités françaises - Regards sur le monde" : Saint-John Perse reçoit le Prix Nobel de Littérature le 10 décembre 1960.
En dépit de l’ostracisme politique de Leger, le Nobel de Saint-John Perse fut assez bien rapporté dans la presse française. Les commentaires se concentrèrent pour l’essentiel sur le caractère « hors champ » de l’œuvre poétique de Perse et sur le prestige de la carrière diplomatique du personnage. Ci-dessous, en exemple : la double page consacrée à l’événement dans le numéro de Paris Match de la semaine du 10 décembre 1960 – qui témoigne bien ce cette vision de l’époque.
Autre appui primordial pour Saint-John Perse lors de toute sa période américaine, le poète Archibald MacLeisch (1892-1982), directeur de la puissante Library of Congress de Washington, joua un rôle déterminant dans la reconnaissance et la diffusion de l’œuvre du poète aux Etats-Unis. En 1960, c’est grâce à lui et à son influence intellectuelle que Perse se voit élu à l’Académie américaine des arts et des lettres. MacLeisch avait déjà œuvré pour qu’en 1950, Perse se voit décerner le Grand prix quinquennal de poésie. Outre l’amélioration de la situation matérielle de Leger (on pense à son poste à la Library of Congress), cet ami fidèle (qui se reconnut même comme « frère de sang » de Leger) ne cessa de participer à la reconnaissance mondiale de Perse. C’est sous sa demande que T.S. Eliot proposa le nom de Saint-John Perse au Comité Nobel.
Avec Katherine Biddle, Mina Curtiss (1896-1985), brillante femme de lettres, musicologue et amatrice d’art, francophile raffinée, fut pour Perse un soutien actif entre tous pour le Nobel de Littérature. C’est ce qui ressort de la correspondance entre le poète et Mina Curtiss éditée par Mireille Sacotte en 2003, en annexe de laquelle notamment nous est livré tout un dossier de lettres soigneusement conservé par la « dame d’Amérique », lettres échangées entre John Marshall (vice-président de la Rockfeller Foundation), Julien Cain (administrateur général de la Bibliothèque nationale de France), T.S. Eliot et Henri Peyre (universitaire français aux Etats-Unis). Tout semble indiquer que Mina Curtiss fut en quelque sorte l’ « instigatrice » (Mireille Sacotte) de cette activisme-là.
Au tout premier rang de ces appuis efficaces, le deuxième Secrétaire général en date de l’ONU, Dag Hammarksjöld (1905-1961, lui-même Prix Nobel de la Paix en 1961, le prix lui ayant été décerné à titre posthume en 1962), grand ami de Saint-John Perse, fut réellement, on peut le dire, la cheville ouvrière du Nobel de 1960. Membre lui-même de l’Académie suédoise, il œuvra sans relâche à partir de 1955 pour que le nom du poète soit rappelé au sein de l’institution. Infatigable soutien de Perse, ce diplomate de haut rang qui eut aussi une œuvre poétique, rédigea cette année-là le rapport sur Perse destiné à l’académie, au gré d’une mise en perspective de son œuvre dans l’histoire de la modernité poétique française et d’une habile synthèse des traits essentiels de l’univers persien.
Dans la critique établie ces dernières années, on a été à juste titre attentif aux conditions de l’attribution du Nobel à Perse, qu’il s’agisse des enseignements à tirer des pans jusqu’alors inédits de la correspondance, ou du retentissement de l’événement dans la suite de l’œuvre – ou du moins, sur sa diffusion propre.
Le premier à avoir proposé le nom de Perse (qui revient plusieurs fois à la candidature de l’Académie suédoise dans les années cinquante) fut T.S. Eliot, lauréat en 1948. Le mérite de l’attribution du Prix Nobel de Littérature est certes à accorder avant tout à l’éclat d’une œuvre littéraire en tant que telle, mais cette attribution est aussi question de visibilité internationale, notamment auprès de l’Académie suédoise. Au gré de la publication de la correspondance inédite du poète, on a pu déterminer ces dernières années le rôle éminent joué par certains appuis de poids, ces relations ferventes que s’est forgé Perse tout au long de sa période américaine ; quelques personnalités de premier plan se dégagent de ces efforts pour imposer le nom de Saint-John Perse auprès de l’institution suédoise ou plus largement, pour accroître une notoriété officielle qui favorisa beaucoup l’attribution du Prix.
Il n’est pas inutile de noter qu’en raison certainement de l’ostracisme dans lequel l’ancien opposant à de Gaulle fut tenu par les milieux gaullistes, aucun membre du gouvernement français ne fit le déplacement à Stockholm pour saluer comme la tradition le voulait alors, l’attribution du Prix à ce lauréat français (à noter l’exception d’André Malraux, qui se rendit bien à Stockholm, mais aucunement en qualité de Ministre de la Culture). Mireille Sacotte précise aussi (Saint-John Perse / Alexis Leger, Belfond 1991 / L’Harmattan 1996) que l’Académie française, après un vote de 10 voix contre 7, n’adressa au lauréat aucune félicitation officielle. L’Etranger, plus que jamais, habita son nom pour cet honneur international.
Les lauréats 1960, de gauche à droite : Willard Frank Libby (américain, Prix Nobel de Chimie) ; Peter Brian Medawar et Sir Frank Macfarlane Burnet (britannique et australien, Prix Nobel de Médecine) ; Donald Arthur Glaser (américain, Prix Nobel de Physique) ; Saint-John Perse, français, Prix Nobel de Littérature.
Le Prix est remis à Saint-John Perse à Stockholm le 10 décembre. Le poète Anders Österling, secrétaire perpétuel de l’Académie suédoise, prononce le discours d’attribution dans lequel il salue une œuvre de grande envergure qui « perpétue à sa manière une grandiose tradition de l’art poétique français, de la haute tradition rhétorique héritée des classiques ».
Lors de la cérémonie, Saint-John Perse prononce quant à lui un mémorable discours de réception, au cours duquel les racines mêmes et la mission de la poésie sont retracées dans une synthèse saisissante, tant par l’épaisseur d’une pensée que l’expression éminemment lyrique qui s’en dégage.
Comme le veut le protocole, à cette cérémonie de remise des Prix Nobel aux lauréats de l’année en ce 10 décembre 1960, dans la salle des banquets de l’Hôtel de Ville de Stockholm, Saint-John Perse est le dernier à recevoir son prix des mains du roi Gustav de Suède, après qu’ont été remis les prix de Physique, Chimie, puis Médecine.
Le poète répond aux questions des journalistes aux Vigneaux, le jour de la proclamation de l'attribution du prix. Quelques minutes auparavant, on l'a informé que des journalistes se sont massés devant la grille de la villa. Il aurait précisé à son épouse, Dorothée : "Vous leur direz que le poète est en mer".
Voici la réponse apportée par Saint-John Perse à la question communiquée par l’AFP sur ses impressions après l’annonce de l’attribution du Prix :
« Je ne suis pas un littérateur de carrière, car je ne veux pas être un esclave de mon métier. Mais je suis très heureux que pour la quatrième fois en quelques années, le Prix Nobel ait été attribué à un poète. Cela correspond d’ailleurs parfaitement à l’esprit qui animait le fondateur de ce Prix. Ne fut-il pas désireux avant tout d’assurer la sauvegarde d’un certain idéalisme ? En couronnant une œuvre poétique, je pense qu’on entend faire revivre un humanisme sérieusement menacé par les progrès de la technique moderne qui constituent un véritable danger pour l’esprit. »
Lien : Voir l'utile synthèse établie par Henriette Levillain à propos de l'attribution du Prix Nobel à Saint-John Perse, sur le site des "Archives de France" (Célébrations nationales 2010).
« Le 26 octobre 1960, un télégramme d’Anders Österling, qui dirige le comité Nobel, lui apprend qu’il vient d’obtenir le Prix Nobel : “Au nom de l’Académie suédoise, j’ai l’honneur de vous annoncer que l’Académie a décidé aujourd’hui de vous attribuer le Prix Nobel littéraire pour l’année 1960”. Leger lui télégraphie aussitôt sa réponse : “J’accepte le prix littéraire qui m’est décerné par l’Académie suédoise et lui donne toute sa signification, heureux de pouvoir, en notre temps, reporter cet honneur à la poésie. Je serai le 10 décembre à Stockholm avec Madame Alexis Leger. Je vous remercie de vos félicitations personnelles. Alexis Leger” » (Joëlle Gardes-Tamine, « Chronologie », Saint-John Perse sans masque, La Licorne, 2002). L’œuvre de Saint-John Perse est donc couronnée en 1960 de la consécration suprême : le Prix Nobel de Littérature marque le moment fort d’une reconnaissance internationale qui s’est accrue au cours des années précédentes.
Un an auparavant, le poète s’est vu décerner par André Malraux le Grand Prix national des Lettres et ces années soixante sont marquées pour Perse par toute une série de distinctions officielles (jusqu’à l’élection, en cette année 1960, au titre de « Prince des poètes », décerné par un comité présidé par Pierre Béarn – titre que Perse décline finalement). Mais recevoir le Nobel n’est pas un épiphénomène dans la République des Lettres, et notamment pour un poète réputé déjà à l’époque pour la prétendue difficulté de son œuvre et pour l’hermétisme de son écriture, il s’agit assurément d’un tournant pour sa réception auprès des contemporains. L’Académie suédoise, qui motive toujours son choix, l’a fait cette fois-ci en ces termes, à propos de Saint-John Perse : « Pour l’envolée altière et la richesse imaginative de sa création poétique qui donne un reflet visionnaire à l’heure présente. »