Nous avions donc délibérément choisi, tout au long de la journée de commémoration du 4 décembre 2010, d'entendre la poésie comme une parole vive, quoi qu'il en soit des réticences que l'on sait (rappelées par Pierre Oster), de la part du poète lui-même, quant à la lecture de ses textes. En ce type de rencontre tout particulièrement, se mettre à l'écoute de la poésie, requiert qu'on sache lui faire place par le truchement de sa présence incarnée,
faisant taire aussi, à intervalles réguliers et salutaires, les commentaires de tous ordres. Et cette présence incarnée elle-même, par l'office des comédiens, Sophie Bourel et Georges Claisse, fut inestimable pour le public présent. Au cours de cette ultime table ronde, nous avions choisi d'amplifier encore le seuil de cette incarnation, en donnant à entendre l'ardent dialogue de l'Amant et de l'Amante d' "Etroits sont les vaisseaux" qui ceint Amers de la trace incandescente que l'on sait. C'est ce dialogue que l'on pourra retrouver dans la video ci-contre : une pépite pérennisée grâce à la captation de cette journée à la Bibliothèque nationale de France en l'honneur de Saint-John Perse.
Voir aussi "Pierre Oster, tribut à Saint-John Perse", ensemble des textes de Pierre Oster à propos de Saint-John Perse mis en ligne en exclusivité sur Sjperse.org.
LITTÉRATURE - Pierre Oster dans le compagnonnage de Saint-John Perse
Pierre Oster rencontre Saint-John Perse en 1962 par le truchement de Jean Paulhan. En 1965, c'est à lui que Paulhan et Gaston Gallimard confieront la tâche considérable et enthousiasmante à la fois, de superviser l'édition du monumental volume d'hommages qui marquera la première ère du rapport éditorial et critique au poète : Honneur à Saint-John Perse. Le poète Pierre Oster, quant à lui, a certainement rapporté de son séjour dans l'univers de Saint-John Perse, une essentielle attention à l'infime qui, dans sa poétique, dépasse la stricte objectivation de Ponge, pour mieux rejoindre une quête d'absolu menée à même la sensation. C'est une sorte de florilège dûment agencé que donne à voir le volume Paysage du Tout publié en 2000 par Gallimard dans sa collection "Poésie". On y retrouve cette pratique de l'éloge dont se revendique Pierre Oster, à l'exemple et dans le sillage de Perse, et cette recherche spriritualiste de l'unité par la saisie sensible du réel. Pour le N° 6 de La nouvelle anabase paru en décembre 2010, Pierre Oster nous a fait le don inestimable d'une archive issué de sa correspondance privée avec Saint-John Perse, à l'époque de l'élaboration du volume d'Honneur - archive que nous publions en fac simile de manuscrit, dans la première section de la revue, "Anabases littéraires".
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PEINTURE - Monique Virelaude,
l'ardeur sensitive de l'image
Monique Virelaude, peintre, nourrit pour l'œuvre de Saint-John Perse une admiration prononcée et très active qui la conduit immanquablement à retranscrire sur ses toiles certaines des évocations poétiques où la sensation de l'espace et de la couleur domine. Ella a exposé en 2010 à Paris quelques-unes de ses oeuvres. Elle nous a parlé avec précision et passion lors de la table ronde, de sa relation de création à cette poésie, qui est aussi pour elle appel à une restitution sensible des images et des affects déposés dans la psyché par le verbe sans cesse revisité, comme un viatique.
Dans la vidéo ci-contre Guillaume Virelaude interprète Anabase et Amers, que vous
retrouverez ci-dessous en version sonore :
Gunnar Sundberg, la Suède musicale et persienne
Gunnar Sundberg est un compositeur et un musicologue suédois, spécialiste de Sibelius. Il fut l'élève entre autres de Celibidache et enseigna dans plusieurs universités aux Etats-Unis, à Cambridge et à Helsinki. La création de sa 15e symphonie écrite dans l'inspiration du poème Amers de Saint-John Perse a eu lieu en décembre 2010 à Stockholm, et il est venu nous parler de sa relation de compositeur à la poésie de Perse, en tant que musicien, et aussi en tant que Suédois, se souvenant de la réception enthousiaste dont avait bénéficié le lauréat 1960 du Prix Nobel en Suède, du fait notamment d'une large diffusion de ses oeuvres, que l'onn doit surtout aux traductions établies par Dag Hammarksjöld.
Avant la première prestation de Guillaume Virelaude, nous avons reçu l'un des membres du Quatuor Leonis, venu nous parler du spectacle donné au Théâtre de l'Odéon au cours de la semaine suivant la commémoration, autour d'une lecture d'un extrait d'Amers par Olivier Py : "Les Tragédiennes sont venues".
Christine Januel mène l'entretien avec Florentine Mulsant. Membre de l'équipe de La nouvelle anabase, musicologue et elle-même brillante pianiste et organiste, elle est spécialiste des rapports de Saint-John Perse à la musique. Elle avait dirigé un dossier thématique à propos des relations des compositeurs contemporains à la poésie de Perse dans le premier numéro de la revue en 2006 et avait supervisé le volet musical de l'hommage rendu par Sjperse.org en 2004 en Sorbonne et en 2005 pour France Culture.
Guillaume Virelaude et le chant du poème
Guillaume Virelaude est un jeune auteur, compositeur, interprète. Il a découvert Saint-John Perse dans le sillage de l'activité artistique de sa mère, le peintre Monique Virelaude (également présente à la commémoration). Il a pris l'initiative heureuse de mettre en musique certains textes du poète. Le résultat tranche résolument avec d'autres tentatives connues dans ce domaine, par la qualité et la modernité de la transposition, effectuée dans un style de chanson qui nous est contemporain et qui est ici pratiqué avec brio sans pour autant que le texte original ne soit trahi. Nous avons été curieux de savoir comment un jeune chanteur d'aujourd'hui a pu être séduit par la poésie de Perse, au point de s'en saisir de manière si personnelle et si convaincante. Guillaume Virelaude nous a interprété deux titres inspirés de Saint-John Perse. Le premier est tiré du chant III d'Anabase et le second, de "Chœur", dans Amers.
En complément à l'entretien avec Florentine Mulsant, nous avons écouté lors de la commémoration le premier mouvement de la symphonie Exil op. 33 composée dans l'inspiration de Perse.
Vers la fin de l'entretien, des extraits de deux textes de Nimrod sont lus par Georges Claisse et Sophie Bourel (édités dans le N° 6 de La nouvelle anabase) : "A la recherche de Saint-John Perse" et le poèmes Pluies, etc.
On retrouvera également ces extraits au sein de la video de l'entretien, ci-dessus.
Au cours de l'entretien, deux textes de Pierre Oster sont évoqués : Le seul maître (consacré à Saint-John Perse) et le poème Puisque la sève brille, extrait de Paysage du Tout. Lectures (L. Céry pour Le seul maître / Sophie Bourel pour une lecture somptueuse de Puisque la sève brille) :
MUSIQUE - Florentine Mulsant, d'Amers à Exil
Florentine Mulsant avait naguère participé à l'hommage à Saint-John Perse organisé par Sjperse.org en 2004 à Paris IV et nous a fait l'amitié, pour la commémoration du 4 décembre 2010 à la BnF, de nous parler d'une nouvelle (et somptueuse) composition inspirée de Saint-John Perse : sa symphonie Exil op. 33. Compositeur, elle a été formée auprès de grands maîtres français au CNSMP et à la Schola Cantorum de Paris où elle obtient en 1987 son Premier Prix de Composition à l'unanimité du jury. Elle suit également en Italie l’enseignement de Franco Donatoni à l’Academia Chigiana à Sienne, et à Paris celui d’Alain Bancquart, avant de découvrir à Boston l’école américaine, auprès des compositeurs de Harvard et du New England Conservatory. Chargée d’enseigner l’écriture musicale dès 1991 à l’Université de Paris IV-Sorbonne, elle est depuis 1998 professeur de composition au Conservatoire de Suresnes. En 1998, elle remporte le troisième Prix de composition au Concours International Premio Città di Pescara. Ses œuvres sont jouées dans des festivals internationaux de musique en France et à l’étranger. Plusieurs grands interprètes créent ses œuvres ou en sont les commanditaires (le violoncelliste Henri Demarquette, la pianiste Lise de la Salle.). Le poème Amers de Saint-John Perse lui inspire dès 1984 une pièce musicale pour piano intitulée Amers ; l’œuvre est créée à Paris en mai 2000. Florentine Mulsant l’a conçue comme un poème pianistique écrit après une lecture de Perse.
Nimrod en quête du royaume d'enfance
Nimrod dont la notoriété internationale, dépassant de loin la francophonie elle-même, grandit immanquablement à mesure que grandit l'enthousiasme de tout un chacun le découvrant, n'est pas seulement ce poète, essayiste brillant et romancier, philosophe de formation, qui s'est distingué depuis quelques années avec Les jambes d'Alice, Le Départ ou encore Le bal des princes et plus récemment L'or des rivières - une littérature africaine qui vise haut, résolument, qui dit ses filiations et n'hésite pas à se confronter à un réel tragique. Il est aussi, aujourd'hui, l'écrivain tchadien de drame et de cœur par qui la mémoire de l'œuvre de Senghor est plus que jamais vivace - lui qui publia à propos du grand poète sénégalais un mémorable Tombeau en 2003. Il nous fait l'honneur pour le N° 6 de La nouvelle anabase d'un magnifique texte sur sa relation à Perse : "A la recherche de Saint-John Perse ou les sentiers de la création". Des lignes saisissantes sur une relation intime de poète à cette œuvre, découverte d'abord par les chemins de la poésie de Senghor. Pour la commémoration de la BnF, nous étions en visioconférence avec Nimrod, qui se trouvait alors à Dakar pour la réédition en 2010 du Festival des Arts Nègres jadis institué, on s'en souvient, par le président Senghor, en un geste marquant s'il en est, des réalisations institutionnelles de la Négritude.
La parole des artistes nous est en cela indispensable, loin de tout ornement ou de tout prétexte à glose. Pour clore notre commémoration par l'autre pôle fondamental des présences de Saint-John Perse, nous avons réemprunté avec avidité les chemins des passions persiennes de créateurs d'aujourd'hui, en dialogue constant, revivifié et revigorant, avec l'oeuvre d'un poète qui présageait pour ses écrits : "Nos oeuvres vivent loin de nous dans leurs vergers d'éclairs. Et nous n'avons rang parmi les hommes de l'instant."
L'un des credos de La nouvelle anabase, depuis sa fondation, a été de faire dialoguer les écrivains et artistes, autour de leurs rapports divers, convergents ou divergents, à la poésie de Saint-John Perse. Déjà en 2004, en amont de la création de la revue, et dans le sillage des activités suscitées par Sjperse.org, nous avions réuni Pierre Oster et Edouard Glissant, Claude Vigée et Kenneth White, Patrick Chamoiseau et Jean Guillou, Florentine Mulsant et Henri Maccheroni. De cet élan naissait quelques mois plus tard la revue, sous la houlette de créateurs, faisant le pari que l'art est la meilleure lecture de l'art, pour paraphraser Steiner. Ce type de rencontres croisées et de dialogues demeure un dessein crucial pour la revue et le site. Car éviter qu'une œuvre ne se fige en patrimoine inerte et ne rejoigne le mausolée des bibliothèques inanimées, c'est aussi faire vivre un héritage littéraire non en usufruit passif, mais en force dynamique pour la création elle-même éternellement recommencée.